Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/209

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Caſtigans caſtigavit me Dominus, et morti non tradidit me.

J’ai donné cette lettre à Soradaci en l’avertiſſant de ne pas la donner à Laurent, mais au ſecrétaire même qui certainement ne manqueroit pas de monter. Le comte lui dit que mon billet étoit tel que ſon effet étoit immanquable, et qu’ainſi tout ce que j’avois devenoit à lui ; mais qu’il devoit me rendre tout, ſi je reparuſſe. Il répondit qu’il n’étoit pas avare, et qu’il déſiroit de me revoir. Cette réponſe nous fit rire.

Mois il étoit tems de partir : le père Balbi ne parloit pas : je m’attendois à l’entendre ſe diſpenſer auſſi de me ſuivre, et cela m’auroit déseſpéré, mais il vint. J’ai lié à ſon cou appuyé ſur ſon épaule gauche un paquet de cordes, et ſur la droite il ſe lia celui où il avoit mis ſes pauvres nippes. J’en ai fait de même. Tous les deux en gilé, nos chapeaux ſur la tête nous ſortîmes par l’ouverture, moi le premier, le moine le ſecond, nous tenant à genoux à quatre pattes. Mon compagnon rebaiſſa la plaque de plomb. Le brouillard n’étoit pas épais. À cette ſombre lueur j’ai empoigné mon eſponton, et en allongeant le bras je l’ai pouſſé obliquement