Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/241

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

À peine faits dix pas, un certain B. To…, bon homme, mais qui avoit la réputation d’être ſoudoyé par le tribunal, me voit, m’approche, et s’écrie : comment ici, monſieur ! je ſuis bien charmé de vous voir : vous vous êtes certainement ſauvé des plombs ; j’en ſuis bien aiſe ; contez-moi, comment vous avez pu faire ce prodige. Je me poſſède ; je lui réponds en riant qu’il me faiſoit trop d’honneur, et que j’étois en liberté depuis deux jours : il me répond net que cela n’étoit pas vrai, puisqu’il avoit été dans le jour précédent dans un endroit, où il l’auroit ſu. Le lecteur peut ſe figurer l’état de mon ame dans ce moment là : je me voyois découvert par un homme que je croyois payé pour me faire arrêter, et qui pour cela n’avoit qu’à cligner de l’œil au premier archer que nous aurions rencontré ; et Meſtre en eſt plein. Je lui ai dit de parler tout bas, et de venir avec moi derrière l’auberge. Il y vint, et lorsque je n’ai vu perſonne, et que je me ſuis vu voiſin à un petit foſſé, au-delà duquel il y avoit la vaſte plaine de la campagne ; j’ai mis ma main droite à mon eſponton, et j’ai allongé ma gauche vers le collet de mon homme ; mais très-leſte il ſauta le foſſé, et ſe