Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/257

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dont j’avois beſoin pour ſortir de l’état : il me répondit qu’il ne me pouvoit rien donner ; mais que je pouvois compter ſur pluſieurs hermites que je trouverois chemin faiſant, qui ne me laiſſeroient pas mourir de faim. Il me dit que ſon oncle avoit ſu notre évaſion à midi dans la journée précédente, et qu’il n’en avoit pas été fâché. Il me demanda alors comment j’avois pu réuſſir à percer les plombs, et je lui ai répondu que les hermites pouvoient alors ſe diſpoſer à dîner, et que n’ayant pas le ſou, je n’avois pas non plus de tems à perdre : et lui tirant la révérence, je l’ai laiſſé. Ce refus de ſecours me fit plaiſir : je crois que mon ame fut charmée de ſe trouver plus grande que celle du vilain, qui put dans un cas pareil écouter ſon avarice. On m’a écrit à Paris, que lorsque Madame ſut la choſe, elle lui dit des injures. Il n’eſt pas douteux que le ſentiment loge chez les femmes plus ſouvent que chez les hommes.

J’ai marché jusqu’au Soleil couchant ; et las, et affamé, je me ſuis arrêté à une maiſon ſolitaire, qui avoit bonne mine. J’ai demandé de parler au maître, et la concierge me dit qu’il étoit allé à une noce au-delà de la rivière, où il devoit paſſer la nuit ; mais