Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/259

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qu’il écrit, qu’il eſt ſeul, et on me montre la chambre au rez-de-chauſſée. Je l’ouvre, je le vois, je cours pour l’embraſſer, il ſe lève, et il me repouſſe en reculant : il me dit des raiſons, qui m’outragent, et qui m’irritent, et je me venge lui demandant ſoixante cequins ſur un billet a vue ſur M. de Br… ; il me les refuſe me diſant que ſon précipice ſeroit immanquable, lorsque le tribunal ſauroit qu’il m’avoit donné ce ſecours : il me dit de m’en aller d’abord, et qu’il n’oſeroit pas même m’offrir un verre d’eau, car il auroit fallu attendre une minute. C’étoit un homme de ſoixante ans courtier de change, qui m’avoit des obligations. Son cruel refus fit en moi un effet bien différent de celui de M. Gr… Soit colère, ſoit indignation, ſoit droit de raiſon ou de nature, je l’ai pris au collet lui préſentant mon eſponton, et lui diſant que j’allois le tuer, s’il élevoit la voix. Tout tremblant alors il tira de ſa poche une petite clé, et voulut me la donner, me montrant un tiroir où il y avoit de l’argent. Je lui ai dit de l’ouvrir lui-même, ce qu’il fit me diſant de me ſervir d’un tas de cequins que je voyois : je lui ai ordonné alors de me donner ſix cequins avec ſes propres mains :