Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/273

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fortune mettant ſur ſon compte les maux, qui lui arrivent : mon hiſtoire démontrera que nous ſommes tous des imbécilles, lorsque nous allons chercher loin de nous les cauſes de tout ce qu’il nous arrive de ſiniſtre : nous les trouverons toutes directement, ou indirectement dans nous-mêmes ; mais dans l’examen gardons-nous bien de chatouiller notre amour-propre : il rend épaiſſe la divine lumière de la vérité ; il nous ſéduit, il nous aveugle ; il s’agit de nous ériger en juges de nous-mêmes, et non pas en avocats. Male verum, dit mon maître, examinat omnis corruptus judex. Si je fois tant que d’écrire mon hiſtoire, il eſt poſſible, qu’elle ne paroiſſe qu’après ma mort, puisque déterminé à dire la vérité, il faudra que très-ſouvent je me maltraite, et cela ne m’amuſera pas : ſi je me ſuis pardonné ce n’eſt pas une bonne raiſon pour que je prétende que tout le monde doive avoir pour moi la même bonté, que j’ai eu moi-même.

Je conviens avec un prince digne de l’amour de tout l’univers, que je puis ne pas tout dire : je le ſais ; mais je ne le veux pas : Ou tout, ou rien. Je ne puis pas