Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/274

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

me réſoudre à m’outrager ; et ce ſeroit m’outrager que de me faire moi-même le protagoniſte d’un roman. Le ſeul cas, dans lequel je ne dirai pas tout, ſera, lorsque la vérité pourroit m’obliger à introduire ſur la ſcène des perſonnes, que le monde croit irréprochables, et qu’il s’en faut bien qu’elles le ſoient : j’emploierai tout mon art pour qu’on ne les devine pas, parcequ’elles me ſont connues, il n’eſt pas néceſſaire que je les faſſe connoître aux autres ; et qui plus eſt, je n’en ai pas le droit. Que ces perſonnes donc ne tremblent pas en liſant ceci. Si elles ont du cœur, ſi leur philoſophie les a rendues ſi fortes que je le ſuis, je les défie à m’imiter : c’eſt d’elles, et non pas de moi que le monde doit ſavoir leurs affaires.

Ou mon hiſtoire ne verra jamais le jour, ou ce ſera une vraie confeſſion. Elle fera rougir des lecteurs, qui n’auront jamais rougi de toute leur vie, car elle ſera un miroir, dans lequel de tems en tems ils ſe verront ; et quelques uns jetteront mon livre par la fenêtre ; mais ils ne diront rien à perſonne, et on me lira ; car la vérité ſe tient cachée dans le fond d’un puit ; mais