Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/276

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indifférent, mourut quelques mois après mon évaſion, dans les priſons du tribunal, je ne ſais pas de quelle eſpèce de mort. Le nommé Andreoli, qui m’ouvrit naturellement la grande porte au haut bout du grand eſcalier a dit, que je l’ai jetté par terre tenant une arme à la main ; et ce n’eſt pas vrai.

Le 12 de Septembre de l’année 1774 M. de Monti conſul de la république de Veniſe à Trieſte me donna un billet des inquiſiteurs d’état, dans lequel ils m’ordonnoient de me préſenter dans le terme d’un mois au circonſpect Marcantoine Buſinello leur ſecrétaire pour ſavoir leur volonté. Je n’ai pas écouté ceux qui me conſeilloient de ne pas m’y fier : je ſavois parfaittement qu’une pareille trahiſon ne pouvoit pas avoir lieu. La grandeur, et l’importance du Tribunal peut bien laiſſer courir la trahiſon, lorsque ſes bas miniſtres l’emploient pour s’emparer d’un coupable, mais il n’eſt jamais arrivé qu’il ſouille la ſainteté de ſa foi l’employant directement, et partante d’eux-mêmes en premier chef. Le billet, que j’ai reçu à Trieſte, étoit un vrai ſauf-conduit ſigné par le très-honoré, et très-noble François Grimani