Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/33

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laiſſa ſeul après m’avoir offert du caffé que j’ai refuſé. J’ai paſſé presque quatre heures toujours opprimé par un ſomeil aſſez tranquille interrompu à chaque quart d’heure par la néceſſité de lâcher de l’eau, phénomène fort-extraordinaire ; car la chaleur étoit exceſſive ; je n’avois pas ſoupé, et je n’avois pris dans la journée précédente qu’une glace à l’entrée de la nuit : j’ai néanmoins rempli d’urine deux grands pots de chambre. La ſurpriſe cauſée par l’oppreſſion étoit pour moi un grand narcotique, et j’en avois fait autre-fois l’expérience ; mais je ne l’avois pas crue diurétique : j’abandonne cela aux phyſiciens. Il y a cependant apparence que dans le même tems que mon eſprit effrayé devoit donner des marques de défaillance par l’aſſouviſſement de ſa faculté penſante, mon corps auſſi, comme s’il ſe fût trouvé dans un preſſoir devoit exprimer une bonne partie des fluides qui avec une circulation continuelle donnent action à notre faculté de penſer : et voilà comment une effrayante ſurpriſe peut parvenir à cauſer une mort ſubite, car elle peut arracher l’ame au ſang.

Au ſon de la cloche de Terza Meſſer grande entra, et me dit qu’il avoit ordre de