Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/89

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paroiſſoit démiſe. Le creux de ma main étoit devenu une grande playe après que les veſſies crevèrent : malgré mes douleurs, je n’ai pourtant pas discontinué mon travail : je l’ai voulu voir parfait. Vain de mon ouvrage, et ſans avoir décidé comme, et en quoi j’aurois pu m’en ſervir, j’ai penſé à le cacher dans quelqu’endroit où il eût pu ſe dérober même à la perquiſition : j’ai penſé de le mettre à travers la paille de mon fauteuil, mais non pas par deſſus où en levant le couſſin on auroit pu voir la marque dans la prominence inégale ; mais en tournant le fauteuil à la renverſe, où j’ai pouſſé dedans le verrou tout entier ; et ſi bien que pour le trouver il auroit fallu ſavoir qu’il y étoit.

C’eſt ainſi que Dieu me préparoit le néceſſaire à une fuite qui devoit être admirable ; mais non pas prodigieuſe. Je m’avoue vain d’en être l’auteur, mais je puis aſſurer le lecteur que ma vanité ne dépend pas de ce que j’ai réuſſi, puisque le bonheur s’en eſt beaucoup mêlé ; mais de ce que j’ai jugé la choſe faiſable, et que j’ai eu le courage de l’entreprendre.

Après trois ou quatre jours de réflexion ſur l’uſage que je devois faire de mon