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XI
AVANT-PROPOS

appelle Renaud : « Je vous ai entendu nommer Maugis, le fort larron. Était-ce vérité ou songe ? » — « Sur ma foi, dit Renaud, nous l’aurons dans un moment. » — « Frère, dit Richard, pour Dieu, montrez-le moi. Certes, si je le voyais avant de mourir, mon âme irait plus joyeuse devant notre Seigneur. » — « Frère, répond Renaud, je vais vous le montrer. » Il le prend par l’aisselle et le soulève. Quand Richard vit Maugis, nul homme n’eut joie si grande. Quatre fois il se pâma, et ne put dire ni oui ni non. Puis, quand il fut revenu à lui, il dit fièrement : « Certes, je suis guéri et ne sens plus ni douleur ni mal. »

Et Richars l’entendi, qui jut sor le perron,
Ki tos iert amuïs et perdoit la raison.
Si entent la parole, com fust avision ;
Lors a levé le chief belement contremont,
Et apele Renaut à molt basse raison :
« Or vos oï nomer Maugis, le fort larron.
Ce me fu or avis ou ce fu avision ? »
« Par foi, ce dist Renaus, orendroites l’aurom. »
« Frere, ce dist Richars, por Deu, monstres le nos.
Certes se jel veoie ençois que morusom,
M’ame en iroit plus lie devant nostre Seignor. »
« Frere, ce dist Renaus, nos le vos monstreron. »
Il le prist par l’aisele, sel leva contremont.
Quant Richars vit Maugis, si grant joie n’ot hom ;
.IIII. fois se pasma, ainc ne dit o ne nom ;
Et quant fu revenus, si dist fiere raison :
« Certes, or sui garis, ne sent mal ne dolor. »[1]

Tout cet épisode de Vaucouleurs est d’une puissance dramatique que l’on ne saurait trop admirer. De même, le retour des Fils Aymon à Dordonne après leur long séjour dans les Ardennes, et l’émotion de leur mère quand elle les reconnaît. Ce sont de très réelles beautés et les remanieurs les ont respectées. Il y a çà et là de la bonhomie, on cite volontiers les proverbes. Notre poésie héroïque touche à sa fin, mais avant de s’éteindre, elle rassemble toutes ses forces pour jeter un dernier et plus brillant éclat.

Montpellier, septembre 1909.

Ferdinand Castets.
  1. 7696-7712.