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temps nous avons travaillé à édifier leur fortune pécuniaire et politique ; nous avons assez fait pour eux ; le temps est arrivé de songer à nous-mêmes. Servir nos propres intérêts, même au détriment de ces hommes-là ; tel doit être désormais le but de nos efforts. Si nous nous unissons tous dans le même but ; si nous nous lions à travailler en commun pour l’avancement de chacun de nous, avant bien peu d’années, nous serons les maîtres ; nous mènerons la politique du Bas-Canada à notre gré et notre position sera faite. Allons ! en êtes-vous ? il faut que vous en soyez tous ! »


VII


Constatons de suite combien cette théorie ressemble à celle d’une certaine clique bien connue.

Cependant, l'organisateur en chef se trompait dans son expectative. Car il parait que plusieurs des assistants, révoltés de tant d’égoïsme et d’un cynisme si dégoûtant, se retirèrent en protestant que jamais ils ne se lieraient à servir dans une aussi monstrueuse organisation.

Nous avons sous les yeux les noms de quelques-uns de ceux qui se retirèrent, aussi bien que de plusieurs de ceux qui continuèrent l’organisation, et, chose étrange ! cette division d’il y a vingt ans coïncide assez avec celle qui se manifesta plus tard entre les conservateurs ultramontains et les conservateurs libéraux-catholiques.

L’organisation Labelle a vu bien des démembrements, traversé bien des crises, subi bien des vicissitudes ; mais toujours elle a surnagé.

L’idée même à laquelle elle doit sa naissance a survécu. Toujours, sous une forme ou sous une autre, un nombre plus ou moins grand d’affiliés en a poursuivi la réalisation. Elle s’est chamaillée, divisée, bifurquée même. Il a fallu quelquefois se disputer le magot. Mais à travers toutes ces phases, un œil exercé a toujours pu la reconnaître. Toujours, le principe fondamental : s’associer en dehors et indépendamment de l’organisation conservatrice pour travailler en commun, au moyen du lien social, au bénéfice personnel des co-associés, à leur triomphe politique personnel ; monopoliser les forces, l’influence, le patronage du parti et les faire servir exclusivement autant que possible au bénéfice des initiés ; toujours, dis-je, ce principe a survécu et dominé…

Toujours le même drapeau a couvert la même marchandise !

De 1862 à 1872, le chef politique de ces messieurs, leur modèle, celui qui, pour eux, était par excellence le type de l’homme d’État, l’exemple à suivre dans la politique, c’était… M. Cauchon !

On se rappelle quelle cour assidue MM. Chapleau et Gérin surtout faisaient alors à l’illustre spéculateur de l’Asile de Beauport.

Par contre, ils nourrissaient une haine féroce contre M. Langevin, fortement accusé par eux de cléricalisme.