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vain ce bienfaiteur de l’humanité avait-il mis toutes les ressources de son génie au service, de la province. On ne crut pas à son désintéressement.

C’est que, voyez-vous, on n’en était pas encore arrivé à cet idéal d’un bon gouvernement qui consiste à ne faire d’un ministère que le simple exécuteur des décisions de Senécal, Dansereau & Cie. Le pays n’était pas encore mûr pour le règne Chapleau.

Jugez combien nous étions encore arriérés : la province fut presqu’unanime à exiger un gouvernement honnête avant tout. Cent mille voix s’obstinèrent à réclamer un premier inaccessible aux enchantements de Dansereau. Pernicieux effet de l’ignorance et du préjugé ! Ce fut l’ultramontanisme qui triompha. De Boucherville fut appelé à former un nouveau ministère.


XIII


Ce n’était pas un aigle que le petit-fils de l’ancien gouverneur des Trois-Rivières ! bien loin de là… ce n’était qu’un homme honnête, honorable, intelligent et patriote. À une bonne éducation et des connaissances variées, il joignait des principes religieux et sociaux à toute épreuve. Il fut accepté avec un sentiment d’universelle satisfaction.

Voilà donc M. de Boucherville Premier de Québec. Il s’adjoignit Angers. Trop cassant, brusque d’allures, peut-être un peu chauvin, le nouveau solliciteur général n’en était pas moins un homme habile. Éloquent, actif, énergique comme Cartier, plein de patriotisme, il apportait au service de la province un fort talent d’homme d’affaires, un sens politique peu commun, une profonde connaissance de la loi et de la jurisprudence. Durant près de quinze ans, il avait servi l’une des plus fortes clientèles de Québec et s’était, par un rude travail, préparé aux hautes fonctions qui devaient lui incomber. Angers complétait de Boucherville : ce furent là les chefs conservateurs dans la province, de 1874 à 1878.


XIV


De Boucherville et Angers n’étaient certes pas parfaits. Mais ils paraissaient nous garantir assez bien des envahissements de la tache d’huile. Si l’on excepte certains bas-fonds où grouillent continuellement les coteries de l’intrigue et les fabricants de spéculations véreuses, l’on peut dire qu’un sentiment d’universelle satisfaction accueillit partout le nouveau régime.

Le parti conservateur marchait fièrement, le front haut, comme il convient à un parti d’honnêtes gens. « Comme la femme de César, se disait-il, nos chefs sont au-dessus de tout soupçon. À peine la