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moindre tache a-t-elle maculé notre drapeau que nous n’avons pas hésité à la faire disparaître et à secouer dans la boue les insectes qui le salissaient. »


XV


De Boucherville et Angers possédaient, à un haut degré, la confiance du conseil et de l’assemblée législative, ils gouvernèrent avec énergie, droiture et patriotisme. Bien que décapités par le grand chef libéral, ils ne furent pas, que nous sachions, déposés par le parti conservateur.

Seulement, l’organisation huileuse dont nous avons parlé avait entrepris de les déposer. Il fallait le sceptre de M. Chapleau : tous ceux qui faisaient obstacle à ce projet devaient être écartés. De Boucherville et Angers avaient, durant le procès des Tanneries, conservé la place chaude et retenu le pouvoir du côté des conservateurs. Jusque-là, c’était bien ! c’était même très bien aux yeux de M. Chapleau, qui, habitué à ne vivre que du gouvernement, n’entendait pas voir le picotin passer à l’ennemi. Mais une fois le danger évité, il lui convenait de remonter en selle ; et pour cela, il fallait culbuter ceux qui montaient la bête ministérielle. Angers avait d’abord insisté lui-même pour faire rentrer Chapleau dans le ministère. De Boucherville y consentit après bien des hésitations et sans pouvoir dissimuler une affreuse grimace. Avec l’instinct de conservation qui le distingue, il sentait qu’en acceptant l’associé de Dansereau, il introduisait à son foyer son plus implacable ennemi. L’événement prouva bientôt que cette prévention n’était pas vaine. À peine redevenu ministre, Chapleau se mit à conspirer contre son chef, et cela, sans même se donner la peine de dissimuler.

La discipline ! voyez-vous…

Angers avait conservé le pas sur Chapleau ; c’était un crime. Le coup d’Etat et les élections d’avril servirent admirablement le nouveau venu.

Angers, trop confiant et trahi, fut victime de la lutte épouvantable que fit Letellier pour garder le pouvoir à ses amis : il resta sur le carreau.

C’est ce qui était arrivé bien souvent à nos chefs : Baldwin, Lafontaine, Cartier lui-même. Et aux élections de 1878, sir John et Langevin comptèrent parmi les vaincus. D’ordinaire, la première chose que fait un parti, dans de telles circonstances, c’est de relever ses chefs. À la suite du coup d’État, il était du plus haut intérêt et du pays et du parti qu’il en fut ainsi. Il importait avant tout de ramener en chambre celui que Letellier et les libéraux avaient surtout voulu écraser. Angers, par trop de bravoure et un dévouement sans réserve à son parti, avait attiré sur lui toute la fureur des libéraux.