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Puisque c’était surtout en le frappant, lui, que le parti libéral avait voulu nous terrasser à jamais ; puisqu’en l’abattant, ils avaient cru qu’ils abattaient notre drapeau, il fallait avant tout le relever, comme avant tout on relève le drapeau. C’est ainsi que l’on raisonnait dans l’intérêt du pays et au point de vue du parti. Mais il fallait à Chapleau la succession de de Boucherville et la dépouille d’Angers. On laissa ce dernier sur le champ de bataille ; et quant à de Boucherville, on ne se donna pas même la peine de le déposer. Voilà comment traitaient leurs chefs ceux qui aujourd’hui font sonner si haut le grand mot de discipline et de soumission aveugle aux chefs. On affirmait déjà le nouveau principe : le grand homme d’abord ; le parti ensuite, et le pays… quand les intérêts du grand homme le permettraient.


XVI


Quelques jours après, eut lieu au Windsor un conciliabule où Chapleau réussit à se faire proclamer chef de l’opposition. Ce ne fut pas sans hésitation de la part de plusieurs ; mais la faction Chapleau avait si bien réussi, avant le coup d’État, à déconsidérer de Boucherville, que l’on n’eut pas de peine à leur persuader que, dans l’intérêt de la cause, il fallait un chef qui fût homme de lutte comme Chapleau : la victoire, disait-on, n’était qu’à ce prix. Dès lors, on sut couvrir les plans du grand homme du prétexte de l’intérêt de parti ! on invoqua à son bénéfice personnel le bien du pays !

À peine promu à la dignité de chef, M. Chapleau voulut de suite montrer son savoir-faire et se concilier les sympathies de ceux qui désirent le renversement de tout ce qui nous est cher : notre nationalité, notre autonomie provinciale, les principes qui, dans le passé, ont fait notre force et qui seuls peuvent nous sauver dans l’avenir. Déjà il avait présenté à Laurier l’olivier de la paix, offrant de faire litière des principes conservateurs inacceptables à ce Mirabeau au petit pied.

Au banquet de Sir John, en la cité de Québec, il offrit de sacrifier le conseil législatif.

Si les Anglais de la province de Québec le veulent, disait-il, je suis prêt à démanteler cette forteresse du conservatisme ! En cela, il était logique avec lui-même. Il espérait ainsi flatter les instincts démagogiques d’une partie de la population et augmenter sa popularité.


XVII


Il fallait relever le parti conservateur et en assurer le triomphe à Ottawa comme à Québec. Or, un obstacle formidable était là, menaçant : c’était l’antagonisme existant entre Chapleau et sa clique d’un côté, et de Boucherville et Angers de l’autre. Les relations in-