Aller au contenu

Page:Castor - Le pays, le parti et le grand homme, 1882.djvu/22

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 25 —

Les grincheux avaient l’habitude, eux, de dire depuis 18738 : « Nous n’avons pas de chef. »


II


Il était pourtant admis que M. Masson était le plus brillant officier que les forces québecquoises eussent à leur tête, et l’on s’accordait généralement à lui décerner le commandement. Il le prit formellement en 1878, à la formation du gouvernement conservateur. Langevin toutefois ne lâcha pas les rênes une seule seconde, et de fait, tout le temps, c’était lui qui menait.

Et vous pouviez voir, dix fois par jour, durant toute cette période, les fronts candides de MM. Mousseau, Baby, Ouimet et Caron se couvrir d’une rougeur pudibonde, chaque fois que nous parlions de « nos chefs ».

Baby se faisait remarquer tout frétillant derrière Sir John ; Caron brandissait le fouet[1] ; et fier de son joujou, il le mettait en réquisition à temps et à contre-temps. Tandis que les deux autres, Mousseau par son diamètre, Ouimet par son étendue de longueur, étant de ceux qui présentaient le plus de surface, se croyaient, le plus honnêtement du monde, les deux hommes les plus importants du parti. Bref, tous quatre croyaient commander.

Donc : Masson, Langevin, Mousseau, Baby, Caron, Ouimet : sexarchie !


III


Il y en avait quatre, sur les six de qui Dansereau disait : « Entre eux tous, mon cœur balance ». Ce n’est pourtant pas que, de toute éternité, M. Chapleau ne fût son homme, tant pour le fédéral, que pour le local. Mais il paraît qu’à cette époque l’étoile de son héros n’était pas encore visible à Ottawa. En attendant, Dansereau ne voyait pas d’objection à se réchauffer au soleil de MM. Langevin et Masson, à s’éclairer à la lune de M. Mousseau pour organiser ses petites industries, ou à s’orienter sur l’étoile de M. Ouimet. On dit même que, par surcroît de prudence, il marqua sur sa feuille de route, les astres de MM. Baby et Caron, Bellerose, Girouard, Trudel et Desjardins, et de quelques autres nébuleuses dont le nom n’est pas arrivé jusqu’à nous.


IV


Rien ne réussit comme le succès, dit l’Alcoran de Senécal. Par contre, rien n’éreinte comme la défaite.

Langevin avait été défait aux élections de 1878, tandis que Masson, après avoir été, à son de trompe, proclamé le chef des ultramontains, et cela, sans trop savoir lui-même ni pourquoi, ni comment, était, lui, élu par acclamation.

  1. De 1873 à 1880, l’Honorable Ministre de la milice a fait ses premières armes comme l’un des wips de la chambre des communes.