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De plus, les deux rédacteurs du Nouveau-Monde, journal qui étant censé parler au nom du clergé de Montreal, avait érigé à M. Masson le piédestal de son autorité, étaient tous deux élus députés, tandis que rien d’ostensible dans les nouveaux succès ne paraissait relever la Minerve de la décadence rapide vers laquelle déjà elle était entraînée. C’est ce qui, décidément, avait donné le pas à Masson sur Langevin. Dausereau lui-même, jusque-là langeviniste, se fit ultramontain. En apprenant par le télégraphe que son chef était tombé sur le champ de bataille, il le lâcha généreusement pour courir du côté d’où allaient venir les jobs et le patronage. Langevin est mort : Vive Masson ! s’était-il écrié, laissant à quelques rétrogrades le soin des funérailles de ce gallican de Langevin. Car Dansereau qui avait mangé de l’ultramontain depuis dix ans, se disait tout à coup l’un des aînés de la famille ultramontaine.

Lui ultramontain ? — Programmiste, s’il vous plaît ! Il était devenu programmiste !

Dansereau avait raison ! Cet homme de bien s’était dit, imitant la conduite que certains farceurs prêtent à Henri IV : qu’« après tout les jobs en perspective valaient bien un acte de foi au Syllabus. »

Masson fut touché d’une aussi touchante conversion. Au grand scandale de MM. Desjardins et Houde, on le vit bientôt, accompagné de son ami Baby, oublier quasi le chemin du Nouveau-Monde, pour aller presque journellement soupirer des tendresses à la Minerve. À peine trois mois s’étaient-ils écoulés que l’influence qui avait fait Masson était coulée. Il n’y paraissait plus. On eût dit que la résurrection de 1878 était l’oeuvre de la Minerve !


V


De la même façon, Langevin retournait à ses anciennes amours. Au lendemain du combat, le Nouveau-Monde, cédant à un reste de ses anciennes bonnes habitudes chrétiennes, s’apprêtait à donner à Sir Hector une sépulture honnête, vu que la Minerve, n’y avait pas songé, lorsqu’il s’aperçut qu’il respirait encore. Il est de fait que, comme cet ancien géant de la fable, il avait pris une nouvelle vigueur en mordant la poussière. Mû par un sentiment de charité tout à fait désintéressé, et n’envisageant que le bien du parti conservateur, car Langevin n’avait guère eu de tendresses ni pour les ultramontains ni pour les programmistes, le Nouveau-Monde l’aida puissamment, à regrimper sur la scène des vivants. Bien plus, grâce surtout aux programmistes et aux ultramontains, il put reprendre, au gouvernail de l’État, une place presque égale à celle de Masson.

Qu’allait devenir Dansereau ! Imaginez une veuve occupée à célébrer de nouvelles épousailles, et qui verrait reparaître son premier mari, plus vivant que jamais !…

La veuve se trouverait placée entre deux alternatives terribles :