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allait-il toucher… et, d’un coup de baguette, faire d’un simple mortel un habitant de l’Olympe ?

On se rappelle les petites intrigues organisées par la clique, au profit de M. Chapleau, durant l’intervalle qui s’écoula avant l’arrivée de M. Masson. Aujourd’hui, c’était une prétendue députation partant de la Minerve et allant au Windsor réclamer de Sir John, et cela au nom de la députation conservatrice de la Province, l’entrée du grand homme, dans le ministère fédéral. Demain, c’était un télégramme adressé à Masson, pour l’avertir que la députation de la Province ne voulait d’aucun autre que M. Chapleau. Le troisième jour, une autre députation s’acheminait vers New-York, pour aller communiquer verbalement à Masson les vœux unanimes des amis. Un autre jour enfin, l’on amenait un député, notoire pour son habileté à tirer les marrons du feu pour les autres, à déclarer avec menaces, l’éclair dans le regard, la barbiche hérissée, que Masson entrant, c’était assez d’un ultramontain dans le ministère. Le jour de l’arrivée, toute une caravane se dirigeait à Québec pour escorter Masson jusque-là, et lui faire connaître les vœux unanimes de la région de Montréal. Qui ne se rappelle la mine que faisait parmi eux le gros Mousseau, son sac de voyage à la main !

Vous croyez peut-être que cela représentait un brin de l’opinion publique ? Pas du tout ! C’était, le compère Dansereau qui, comme toujours, avait tiré toutes les ficelles et fait mouvoir toutes ces marionnettes. Des députations au Windsor ? à New-York ? Demandez donc à la députation ou même à une partie de la députation quand elle s’est assemblée à la Minerve ! Quand elle a député quelqu’un à Sir John ou à d’autre ?

La députation, Dieu merci ! avait assez le sens des convenances constitutionnelles pour rester chez elle et laisser au Très Honorable Premier le soin de mander qui il voudrait soit pour l’aviser sur le choix des représentants de la Province, soit pour en faire des ministres.

Revenons à la scène qu’offrirent, les concurrents au troisième portefeuille. Chapleau rappelait, avec des larmes pleins les yeux, ses prouesses, ses dévouements, ses sacrifices, ses actes de renoncement ! Il redisait ses appétits Gargantuéliques… et ceux de Dansereau, puisqu’ils font le potage dans la même marmite. Ils étaient ruinés à jamais ! ils allaient mourir de faim, si lui n’arrivait pas au picotin !…

Baby, l’ami dévoué par excellence ! C’était le fidèle Achate ! Lorsque, au banquet de St-Henri, Chapleau avait voulu se proclamer, par ses états de service, le premier des conservateurs de la région Montrêalaise et afficher, à la façon de Cauchon, son quart de siècle de sacrifices au parti, n’était-ce pas lui qui avait revendiqué vaillamment les droits de l’absent et proposé bravement sa santé ?