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D’où est tout à coup venu à M. Dansereau, l’humble compositeur à sept centins dans le dollar en 1880, cette fortune soudaine qui lui permet d’abandonner sa sinécure du Greffe de la Couronne et de vivre en grand seigneur, sans aucune occupation régulière, sans moyen d’existence connu ?

M. Beaubien aurait voulu spéculer !

Messieurs Ross, de Boucherville, Beaubien et Archambault auraient cédé aux calculs de l’ambition et voulu monter au pouvoir ! ! !

Mais, encore une fois, qu’avez-vous fait autre chose, braves gens ! depuis que vous exercez votre pernicieuse influence ?

Prendre le pouvoir et le garder ! vous gorger, vous et vos amis, de faveurs, de places, de jobs, de patronage : avez-vous jamais su faire autre chose ?


VI


Où sont vos preuves que ces messieurs aient voulu se procurer un avantage indu quelconque ? Ils ont condamné la vente de la section Est ; ils l’ont stigmatisée comme une transaction illicite, malhonnête même ! Où sont les hommes sérieux qui entreprendront de démontrer solidement le contraire ?

Ouvrez d’abord le Code civil, vous y lirez :

« Article 1484 : Ne peuvent se rendre acquéreurs ni par elle-mêmes ni par parties interposées, les personnes suivantes, savoir :

« Les tuteurs et curateurs, etc…

« Les mandataires, etc …

« Les administrateurs ou syndics des biens qui leur sont confiés soit que ces biens appartiennent à des corps publics ou à des particuliers, etc. »

Eh bien ! monsieur Senécal n’était-il pas « l’administrateur » de biens à lui confiés, savoir : le chemin de fer et son matériel roulant ? Ces biens n’appartenaient-ils pas à « un corps public », la Province ? Donc, la loi défendait de vendre à M. Senécal !

« Mais », direz-vous, « M. Senécal avait donné sa démission. » — Oui, mais M. Chapleau ne l’avait pas acceptée et M. Senécal était resté l’administrateur du chemin ; par conséquent, l’incapacité établie par le Code continuait à peser sur lui. Et d’ailleurs, peut-on croire que le Législateur ait eu la naïveté et la maladresse de faire une loi complètement illusoire ? Si pour se relever de son incapacité, il suffit à un administrateur, à un tuteur, etc., de dire avant d’acheter : « Je donne ma démission ! » il vaudrait bien mieux rappeler une telle loi, puisqu’elle n’opérerait que comme une embûche destinée à prendre les simples et à faire croire au public que les mineurs et le domaine de l’État, etc., sont protégés. Car l’administrateur ou le tuteur frauduleux auraient toujours le soin de dire : « Je résigne ! » avant de faire leurs coups.