Page:Castor - Le pays, le parti et le grand homme, 1882.djvu/63

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 66 —

Vous répliquez et me dites : « Senécal n’a pas acheté seul, mais comme membre d’un syndicat dont MM. McGreevy, Ouimet, Desjardins, etc., étaient, membres avec lui. » — Je réponds : ça ne change rien à l’affaire ; la loi dit formellement : « Ne pourront acheter ni par eux-mêmes, ni par parties interposées. ” Si le tuteur ou l’administrateur pleuvent acheter avec des associés, ils pourront tout aussi bien éluder la loi, vu la facilité qu’il y a de trouver un associé ou un prête-nom. Encore une fois, autant vaudrait faire disparaître cette loi de notre Code et laisser le champ libre à la spéculation de MM. les tuteurs et administrateurs. Mieux vaut n’avoir pas de loi que d’en avoir une que tout le monde peut éluder aussi facilement. Une telle loi ne gênerait que les honnêtes gens.

D’ailleurs, qui ne sait que la transaction était celle de Senécal seul ? Lui seul a fait la soumission, débattu les conditions, conclu le marché, etc., etc. S’il a pris des associés, c’est parce que cela faisait mieux son affaire. Il est resté maître de la transaction, comme l’ont prouvé les événements qui ont suivi.

Vous insistez : « Senécal, dites-vous, n’achetait que pour une compagnie devant être incorporée plus tard. En effet, moins de deux mois après, la Législature Provinciale donnait l’existence à une Compagnie à laquelle les titres de propriétés du chemin ont été consentis. »

Il est à peine besoin de répondre à un tel argument : vous dites vous-même que Senécal achetait pour une compagnie qui n’existait pas ; qui n’a acquis l’existence que un ou deux mois plus tard. Cette compagnie ne pouvait donc acheter puisqu’elle n’existait pas : Senécal restait donc jusque-là l’acheteur, avec ses co-acheteurs. La vente était donc faite à une partie frappée par la loi d’une incapacité absolue ! La vente était donc illégale, illicite ! par conséquent, nulle !


VII


Voilà pour le côté strictement légal de la question.

Et quant à celui de l’équité ? Est-il possible de violer d’une manière plus révoltante les lois de la justice ?

Comment tant de personnes ont-elles refusé de voir ce qui, pourtant, apparaît avec tant d’évidence, ce qui crève les yeux ?

La propriété publique a toujours été assimilée, dans tous les systèmes de législation, à des biens de mineurs. La loi les protège à l’égal des incapables : et c’est avec justice. Plus encore que le mineur ou l’interdit, le public est sujet à se faire duper.

Or, il s’agissait de vendre un bien public d’une immense valeur : la plus importante de nos propriétés provinciales…

Et comment y procède-t-on ?

Le moins qu’eût pu faire le gouvernement de Québec, on l’aurait cru, du moins, c’eût été de s’entourer des mesures de la sagesse la plus ordinaire. C’était de faire ce que tout homme d’affaires eût