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nécessairement fait pour éviter le sacrifice de ses intérêts. Or, demander à un gouvernement d’adopter les mesures dictées par l’usage et le sens commun, pour éviter le sacrifice à vil prix d’une propriété qui, à elle seule, était la fortune de la Province, ce n’était certes pas d’une exigence exorbitante. Or, qu’eût fait un particulier sous de telles circonstances ? Eût-il vendu sans se rendre d’abord lui-même soigneusement compte de la valeur de sa propriété ? N’eût-il pas pris ensuite tous les moyens nécessaires pour la faire apprécier à sa juste valeur ?

Si, par exemple, un négociant offrait en vente un fonds de magasin, ne ferait-il pas dresser de ses marchandises, créances, etc., un inventaire minutieux ? N’exigerait-il pas de ses employés qu’ils donnassent, de son établissement, tous les renseignements nécessaires pour en faire apprécier les relations commerciales, la clientèle, etc. ? Ne ferait-il pas en sorte d’établir, par des états complets, par des rapports détaillés, le montant total des profits nets que pourrait donner l’établissement ? S’il arrivait que, dans le chapitre des dépenses, apparussent à son détriment les salaires de cinquante commis, lorsqu’il serait avéré que la maison de commerce pourrait être également bien exploitée avec seulement vingt-cinq commis, ce négociant n’aurait-il pas le soin de le dire, et d’établir le fait au delà de tout doute, faisant connaître les circonstances, expliquant le fait de la présence de vingt-cinq commis inutiles, par le fait qu’ils seraient ses parents par exemple, qu’il les aurait engagés sans en avoir réellement besoin durant une année de disette ou de crise commerciale et pour leur fournir des moyens de subsistance que, à tout événement, il n’eût pu se dispenser de leur fournir ?

Or, que dirait ce négociant si, la vente faite, il découvrait que son premier employé eut omis de donner tous ces renseignements au public ou de lui fournir les statistiques nécessaires pour établir ces faits, sous le prétexte que lui, premier commis, voulait se porter acheteur de l’établissement ? Que répondrait-il à cet employé infidèle qui lui dirait :

« Les relations commerciales, c’est moi qui, étant à votre service, les ai établies ; la clientèle, c’est moi qui l’ai attirée. Or, je veux seul bénéficier de tout cela. J’ai fait toutes les statistiques, tous les calculs nécessaires à constater tous les profits nets que peut donner votre établissement ; mais tout, cela, je me suis donné bien de garde de le faire connaître aux acheteurs, je le leur ai même caché. Ceux qui sont venus demander des informations, je les ai rudoyés, insultés ! A-t-on jamais vu aussi une telle audace ! venir essayer de m’escamoter mes statistiques ! mais c’est une trahison ! Je les ai dépistés ! autrement, ils seraient venus me faire compétition et je n’aurais pu acheter votre établissement à vil prix.

« Je les ai donc gardés pour mon usage personnel, tous ces calculs,