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toutes ces statistiques, afin d’en faire la base des offres que je vous ai faites et que vous avez dû accepter, vu que j’avais réussi à empêcher toute autre soumission supérieure à la mienne !… »

Encore une fois, que répondrait le vendeur ? que répondriez-vous lecteur, étant donné qu’une telle position vous fût faite ?… Eh bien ! dans la vente du chemin de fer, la position de la Province était absolument celle de ce négociant. Un seul homme était en position de donner des chiffres exacts, certains détails essentiels, une vue d’ensemble nécessaire à l’appréciation exacte de la valeur du chemin. Cet homme, c’était l’un des serviteurs de la province, spécialement employé et payé pour remplir ce devoir ; c’était M. Senécal, l’administration du chemin. Lui seul était capable de montrer exactement, par des faits et des statistiques irrécusables, quelles économies il était possible de réaliser et dans quelle mesure il était facile d’augmenter les revenus nets du chemin. Seul, il était capable d’en faire connaître toutes les qualités, toutes les ressources, toutes les perspectives certaines d’augmentation. Seul il était à même de se renseigner parfaitement sur toutes les circonstances de l’entreprise ; par conséquent, seul il pouvait présenter la vente sous le jour le plus favorable, faire ressortir, aux yeux des acheteurs, toutes les raisons qu’ils avaient d’acheter.

M. Senécal n’était pas salarié par la province pour spéculer au détriment de la province en dehors de son emploi ; encore moins pour spéculer contre la province, pour conspirer contre l’intérêt de la province, au moyen même de son emploi.

On se fût donc attendu trouver M. Senécal travaillant ardument à préparer, au bénéfice de la province, cette grande et solennelle transaction. On se le serait représenté faisant des combinaisons propres à faciliter la vente, exhibant des plans, employant des calculs et des statistiques, faisant connaître les mille ressources de la ligne, ses relations naturelles vis-à-vis les autres chemins, le cours naturel suivi par les affaires, comment elle peut être le grand débouché du Nord-Ouest ; on eut dû le trouver à l’œuvre, proposant aux capitalistes, les moyens d’acheter, leur facilitant leurs soumissions, les encourageant par tous les moyens possibles.

Disant aux acheteurs : « Voici quels raccordements nous avons déjà avec les lignes de l’Ouest ; voici ceux que l’on peut encore acquérir. Voici pourquoi et comment la ligne est indépendante de toutes combinaisons propres à la gêner, l’amoindrir, lui faire compétition.

L’a-t-il fait ?

Non !

Le gouvernement, du moins, lui a-t-il enjoint de le faire ?

Non ! !

Bien loin de là ! M. Senécal et le gouvernement ont précisément