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conspiration audacieuse qui a pour objet de s’emparer des biens de la Province ! qui a réussi à dépouiller la Province, du principal élément de sa prospérité !  !  !

Et que voit-on ! le gouvernement ! la majorité du conseil et de l’assemblée législative ! les représentants de la nation, applaudissant à ce coup de main perpétré contre les biens de la nation !

Avec cette absence de renseignements, les hommes d’affaire les plus expérimentés pouvaient, il est vrai, faire de vagues calculs ; ils pouvaient, par exemple, se dire : « il doit y avoir un trop grand nombre d’employés » mais combien de trop ?…

Le nombre et le salaire des employés doivent dépendre d’une multitude de différences spéciales de climat, de coutumes, d’exigences commerciales, de conditions géologiques et climatériques, etc.

Quelle économie précise était-il possible de réaliser sur les employés ? On ne pouvait le constater exactement sans le témoignage de l’administrateur. Or, on avait crié bien haut que l’administration de M. Senécal était parfaite. Les chambres, le gouvernement, l’électorat tout entier paraissaient avoir confirmé ces affirmations. Par conséquent, il était difficile pour les acheteurs d’assumer, avec certitude, que le nombre des employés inutiles était très-grand, encore moins qu’il pouvait s’élever à des centaines.

Il était encore plus difficile de risquer des millions sur des suppositions et des calculs purement spéculatifs, que des faits si importants contredisaient formellement.

Ce n’est pas tout : on a précipité la vente avec une étrange hâte. On eut dit que cela était calculé de manière à priver la Province, non-seulement du bénéfice d’offres plus élevées qui pourraient se produire, mais encore de l’augmentation considérable de valeur qui devait résulter de la construction de l’embranchement de St.-Charles. En effet, lors de la vente, c’est à-peine s’il circulait dans le public une rumeur vague que le gouvernement fédéral allait donner une somme d’argent, pour relier le chemin de fer du Nord à l’Intercolonial. Y avait-il eu un ordre en conseil de passé à cet effet ? Les intimes, tels que MM. McGreevy, Chapleau, Senécal, Dansereau & Cie, pouvaient le savoir ; le public, lui, ne le savait pas, ou du moins n’en avait pas une certitude suffisante pour l’induire à risquer des millions. Il est de fait que cette détermination du gouvernement fédéral d’accorder les deux tiers d’un million pour relier ces deux chemins, et surtout le vote par la chambre du subside nécessaire à payer cette somme, n’ont eu lieu que plusieurs semaines après la vente du chemin. Les acheteurs prudents, non initiés aux secrets des rings, ne pouvaient donc prudemment offrir un prix calculé sur l’augmentation énorme de revenu que devait apporter ce raccordement.

Quels bénéfices annuels donnera au chemin du Nord sa jonction