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Page:Catherine-pozzi-agnes-1927.djvu/18

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On pose l’appareil sur la table. La figure de papa jette tous les feux de la grâce : « C’est vous cher ami ? »

Une présence, détachée de l’essaim magnifique, bourdonne obscurément au récepteur que papa tient d’une main crispée.

Qui est entré là dans notre grise salle à manger ?

Est-ce un de ces mâles énormes qui changent l’ordre établi, est-ce la reine des abeilles ? — Mon père a répondu : « Princesse »… c’est elle ! je me redresse respectueusement.

Peut-être qu’elle a des boucles noires très serrées autour de la tête, un tailleur bleu marine sans prix, une voix qui a trop parlé des langues étrangères ; — iris et cèdre, camélia…

C’est fini. Oh, qu’il en vienne un ou une encore ! Je contemple le téléphone, ainsi fait l’amoureux, la porte qui peut s’ouvrir. Le courant va relier quelqu’un à quelqu’un, comme s’ils s’aimaient, ils se parleront en se regardant l’âme, comme s’ils étaient morts, mais ils mentiront, comme des vivants. Papa ment toujours moins que l’autre.