Page:Catherine de Sienne - Le Dialogue, Hurtaud, 1913, I.djvu/194

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peut établir entre l’une et l’autre, sinon celle du fini à l’infini.

Mais j’ai voulu te la faire goûter, cette miséricorde, et aussi la dignité de l’homme telle que je te l’ai exposée plus haut, pour que tu comprennes mieux la cruauté et la bassesse des hommes pervers, qui prennent par le chemin d’en dessous. Ouvre donc l’œil de ton intelligence, regarde ceux qui volontairement se noient, et vois en quelle indignité ils sont tombés par leurs fautes.

Premièrement ils sont devenus infirmes, par le fait qu’ils ont conçu le péché mortel dans leur esprit ; puis ils l’ont enfanté et ont perdu du même coup la vie de la grâce. De même qu’un mort est incapable d’aucun sentiment, et de lui-même ne se peut mouvoir qu’autant qu’il est soulevé et porté par autrui, ainsi ceux qui se sont noyés dans le fleuve de l’amour désordonné du monde, sont morts à la grâce ; et parce qu’ils sont morts, leur mémoire n’évoque plus le souvenir de ma miséricorde. L’œil de leur intelligence ne voit plus, ne connaît plus ma vérité, parce que le sentiment est mort, c’est-à-dire parce que l’intelligence n’a plus en face d’elle, qu’elle-même, avec l’amour mort de la sensualité propre. Leur volonté aussi est morte à ma volonté : car elle n’aime plus que choses mortes. Ces trois puissances étant mortes, toutes leurs opérations soit extérieures soit intérieures sont donc mortes aussi quant à la grâce. En conséquence, il leur est impossible de se défendre contre leurs ennemis ni de s’aider elles-mêmes, sinon pour autant que je les