Page:Catherine de Sienne - Le Dialogue, Hurtaud, 1913, I.djvu/25

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tique d’Avila nous fait apercevoir ce qu’il y a d’activité latente dans la sensibilité ; mais la conscience de la sensation va diminuant jusqu’à être réduite à rien par l’absorption de l’esprit dans le grand et divin objet qui le ravit. C’est l’explication de Thérèse, comme c’est celle de Catherine qui nous dit au nom du Père éternel : « La mémoire (intellectuelle) n’est remplie que de Moi ; l’intelligence n’a d’yeux que pour ma vérité ; la volonté, qui suit l’intelligence, est tout amour pour l’objet contemplé par le regard de l’esprit. Toutes les puissances de l’âme étant ainsi rassemblées et unies ensemble, plongées et abîmées en moi, le corps perd tout sentiment[1]. »

Notre-Seigneur, pour expliquer à Thérèse un cas analogue d’opération obscure et indéfinissable, se servait en l’interprétant de la formule même de Catherine décrivant le sommeil de la sensibilité : « Comme l’âme ne peut saisir ce qu’elle entend, c’est ne pas entendre tout en entendant. »

« L’on ne saurait, dit la sainte du Carmel, parler plus clairement. Mais, pour comprendre quelque peu le sens de ces paroles, il faut avoir passé par là[2]. »

Quand l’âme de Catherine, s’arrachant ainsi à la vie sensible, s’élevait dans la contemplation de la Vérité éternelle, les pieds et les mains se contractaient. Cette contraction prenait d’abord les doigts, puis les membres se raidissaient dans une adhérence si forte aux lieux qu’ils touchaient, qu’on les eût rompus plutôt que de les en arracher. Les yeux fermés ou mi-clos, la tête s’inclinait légèrement, et dans cette position le cou prenait une telle rigidité qu’il y avait péril à vouloir le

  1. Dialogue, ch. 19.
  2. Œuvres de Sainte Thérèse. Paris, Retaux, t. I, pp. 223-226 passim.