Page:Catherine de Sienne - Le Dialogue, Hurtaud, 1913, I.djvu/26

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toucher en cet état. Parfois Lapa, sa mère, peu au courant des conditions de l’extase, voyant sa fille immobile dans l’attitude où l’Esprit l’avait saisie, et la tête penchée, voulut lui ramener le cou à la ligne normale. La sainte n’eut pas plutôt repris ses sens qu’elle en éprouva une douleur intolérable, comme si on l’avait meurtrie en la frappant violemment. Elle déclarait elle-même que si sa mère eût mis plus de force à lui redresser la tête, elle lui eût totalement rompu le cou.

Lorsque, dans les grandes détresses ou les grandes luttes, avec plus d’ardeur encore et plus d’angoisse, son âme tourmentée par le désir s’élançait vers le Seigneur, elle entraînait le corps avec elle, et on voyait la sainte suspendue en l’air au-dessus du sol. Maconi l’un de ses secrétaires déclare avoir été maintes fois témoin de ce prodige et en compagnie de plusieurs personnes.

C’est chaque jour à cette époque de sa vie, et plusieurs fois par jour, que la vierge de Sienne élevait ainsi son âme au-dessus des conditions ordinaires de la connaissance humaine. Elle ne pouvait seulement réciter un Pater, sans entrer en extase, et il suffisait qu’elle se trouvât mêlée à quelques conversations trop humaines pour que son esprit s’évadât de ces mondanités et prît son vol vers les régions de la lumière[1].

Mais, nous l’avons pu noter, dans l’état normal de l’extase, la dictée n’est pas possible. Raidis dans une rigidité cadavérique, les organes n’ont plus la mobilité nécessaire à leur fonction naturelle : « La langue en parlant ne parle pas », dit Catherine, et Thérèse d’Avila témoigne que parler « devient impossible, qu’on n’arrive pas à former intérieurement un seul mot, et quant à l’articuler, le plus violent effort n’en donne pas le moyen. » C’est donc à une intervention toute spéciale de

  1. Déposition de Maconi.