Page:Catherine de Sienne - Le Dialogue, Hurtaud, 1913, I.djvu/79

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qui avait été faite et fort bien faite par les premiers disciples de la sainte. Il l’a remanié à sa convenance et il en a notablement restreint le nombre. Sa traduction, avec l’addition du Traité de la Perfection n’en compte que 118, alors que le seul Dialogue en enferme 167 dans le MS. de Maconi et dans toutes les éditions imprimées.

Quant au rendu de l’original, on peut dire que le P. Chardon, qui était un maître théologien, en a bien reproduit la pensée générale, mais en s’affranchissant libéralement des détails du texte et des particularités de la doctrine. Ici il développe, il paraphrase, il expose certaine idée qui lui plaît, il exploite telle métaphore à peine indiquée dans le texte ; là, il taille, il supprime, il réduit à la mesure de son agrément, estimant que les secrétaires qu’il semble peu connaître[1] « y ont introduit du superflu ». Il s’emploie de son mieux à l’habiller, comme il dit, à la française, tout en s’excusant de ne pas lui donner « toute la politesse de l’air du temps ».

L’on aime assez à s’excuser de manquer d’une qualité que l’on sait que l’on a. J’ignore si, en 1648, ce langage aura paru trop fade au goût des Précieuses et si c’est à leur aréopage que le traducteur demande grâce, mais l’aréopage eût été ingrat de ne pas reconnaître les efforts tentés pour lui donner satisfaction.

Le texte expose, par exemple, que « le démon épie les dispositions de l’âme et règle son offre sur ses attraits. La voit-il toute possédée de ce désir des consolations et des visions spirituelles — auxquelles pourtant elle ne devrait pas s’attacher, mais seulement à la vertu, s’estimant par humilité indigne de ces faveurs divines et ne considérant que mon amour qui les lui

  1. Les seuls secrétaires que connaisse Chardon sont un bienheureux Étienne (Maconi) et Raymond de Capoue qui était à Rome au moment où le Livre fut écrit.