Page:Catherine de Sienne - Le Dialogue, Hurtaud, 1913, II.djvu/201

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créature, en dehors de ma volonté, je fais en sorte que le temps et le lieu lui manquent pour l’exécution de ses mauvais desseins. Son cœur languit et se ronge devant l’obstacle qu’il ne peut vaincre ; il se replie sur lui-même ; il entend le reproche de sa conscience, il comprend que c’est par sa faute qu’il se torture, il en conçoit du repentir, et rejette alors loin de lui son fol amour. Car n’est-ce pas folie en vérité que de placer son affection en une chose qu’on reconnaît ensuite dès qu’on ouvre les yeux, n’être pas même une vétille. Certes la créature qu’il aimait d’un si misérable amour est un bien, elle est quelque chose. Mais ce qu’il attendait d’elle, n’était pas même une bagatelle ; c’était le péché, et le péché n’est pas quelque chose. Sur cette épine qui déchire l’âme, j’ai fait fleurir la rose, comme j’ai dit, de ce néant qu’est la faute, j’ai fait un moyen de salut.

Qui m’a poussé à en agir de la sorte ? Pas le pécheur, assurément, qui ne me cherche pas, qui ne demande point mon assistance, qui n’invoque point ma providence, si ce n’est pour favoriser ses coupables desseins, ou lui ménager les plaisirs, les richesses ou les honneurs du monde. Qui m’y a donc conduit ? L’Amour ! Car avant même que vous ne fussiez, je vous aimais ; et sans même que vous m’aimiez, je vous aime, moi, et ineffablement ! Voilà, oui, voilà la force qui me pousse ; et c’est aussi les prières de ceux qui me servent. A ceux-ci la clémence de mon Esprit-Saint, le bon serviteur, sert toujours comme nourriture, l’honneur de mon