Page:Catherine de Sienne - Le Dialogue, Hurtaud, 1913, II.djvu/212

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cette mesure ? A bien des signes. Et même si elle veut avoir l’œil ouvert, son intelligence ne tardera guère à l’apercevoir et à la constater par l’expérience. Mais comme je t’en ai entretenu largement en un autre endroit, je ne t’en dirai ici que quelques mots.

Cette créature, elle l’âme, ai-je dit, d’une affection particulière. Et voilà soudain qu’elle croit s’apercevoir qu’elle en est moins aimée. L’amie, semble-t-il, a moins d’attention pour elle ; il fait plus rare ces entretiens qui lui procuraient tant de consolation, tant de profit, tant de douceur ; ou bien, et surtout, elle a cru voir que cette personne aimée réserve plus fréquemment pour une autre ces rencontres et ces conversations. La peine qu’elle éprouve de leur privation n’en devient que plus cruelle ! C’est cette peine qui l’introduit dans la connaissance d’elle-même.

Dès lors, si elle veut obéir à la lumière et se conduire avec la prudence qui doit régler ses affections, c’est d’un amour plus parfait qu’elle aimera cette créature que je lui ai donnée comme un moyen. Elle comprendra que c’est par la connaissance d’elle-même et par la haine qu’elle a conçue de son propre sentiment, qu’elle aura raison de son imperfection et pourra s’élever à la perfection. Une fois là, son amour deviendra de plus en plus parfait, de plus en plus grand, et pour les créatures en général, et pour cette créature en particulier, moyen providentiel que ma bonté lui a ménagé, pour l’encourager à la haine de soi et à l’amour de la vertu, en cette vie de pèlerinage