Page:Catherine de Sienne - Le Dialogue, Hurtaud, 1913, II.djvu/211

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la vertu et sort peu à peu de sa négligence : son cœur se détache des autres créatures qu’elle aimait d’un amour trop sensible, père, mère, frères, sœurs ; son amour se purifie peu à peu de toute passion, et elle en arrive à ne les aimer plus que pour moi, son Dieu. Ainsi cet amour que je lui ai inspiré, réglé suivant la mesure que je lui ai moi-même imposée, sert à la délivrer de l’attachement excessif qu’elle avait auparavant pour les créatures, et l’arrache par là même, tu le vois, à cette imperfection.

Mais il est encore un autre effet de cette affection spirituelle : c’est de permettre à l’âme d’éprouver si elle m’aime parfaitement, ou non, comme aussi la créature qu’elle aime ainsi spirituellement. C’est à cette expérience que j’ai voulu la soumettre par cet amour, en lui ménageant l’occasion de se rendre compte elle-même de la valeur de ses sentiments. Si elle ne prenait conscience de ce qu’ils sont, il lui importerait peu qu’ils fussent ou non de moi, elle n’en concevrait ni déplaisir ni joie.

Je lui ai déjà fait connaître par ce ; moyen, t’ai-je dit, qu’elle était encore imparfaite. Or il est bien certain que si l’amour qu’elle a pour moi est imparfait, imparfait aussi doit être celui qu’elle porte à la créature raisonnable. Car la charité parfaite du prochain dépend essentiellement de la parfaite charité que l’on a pour moi. La même mesure de perfection ou d’imperfection qu’elle a mise dans son amour pour moi se retrouve dans l’amour qu’elle porte à la créature. Comment son affection spirituelle pour la créature va-t-elle lui faire discerner