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Page:Cavallucci - Bibliographie critique de Marceline Desbordes-Valmore, tome 2.pdf/123

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PROSES NON RECUEILLIES 113 sa naissance aux traits durs et livides de Jutta la magicienne, elle l’écoute comme Dieu ; c’est sa mère et elle lui obéit. Les yeux de Jutta, souvent enflammés de colère contre tous, ne font point trembler l’inoffensive Metelill ; car un rayon d’amour maternel y brille pour elle, et ses bras caressans serrent d’une tendre étreinte le cou nerveux de cette furie domptée, dont le courroux se fond sous le baiser suave de son enfant. Le couple odieux n’entend pas du moins sur elle le venin de sa méchanceté sauvage. Comme une fleur sortie de la fente du rocher penche sa tête gracieuse sur le torrent qui roule sans la détruire, Metelill joue autour de ses sombres parens, étrangère à leur nature comme aux passions qui les agitent. Ses yeux sont les seuls yeux vivans qui les regardent sans reproche et sans effroi à force d’innocence, inattentive, elle vit pure et sans danger près de la haine et du crime. . Le souvenir d’une étoile inattendue au fond d’un ciel chargé de vapeur d’orages, par l’un de ces voyages rêveurs et taciturnes, inspira-t-il au chantre de l’héritier terrible de Witikind le besoin de charmer ses amis les plus assidus, les lecteurs, par une apparition de la même nature ? En touffant, pour ainsi dire, cette fleur vivante au bord de l’étroit purgatoire où blasphème et gémit le farouche Harold, voulut-il en colorer les teintes amères par un pur rayon d’or, qui rappelle le ciel ? cette lumineuse figure n’est-elle pas quelque action de grâce échappée à l’âme reconnaissante du poète croyant ?

Telle est l’action qu’il attire sur cette jeune habitante des bois, où il la

montre sortie à peine des jeux du premier âge, appliquée à se faire un collier des fruits rouges de l’églantier, rouge elle-même de l’espoir de le montrer à William, qu’elle nomme autant de fois qu’elle respire ; tel est le charme qui s’établit entre l’imagination du lecteur de Metelill, qu’on croit, avec le barde écossais, l’entendre dire : C’est l’heure où par mon âme en secret implorée, Son âme est attirée. Quand ses pas font trembler ma vie et les roseaux, Quand tout est calme au ciel, sur la terre et les eaux, On croirait que tout prend un esprit sur la terre. Pour goûter avec moi cette nuit de mystère, Pour aimer avec nous, pour bénir nos amours, Et respirer les nuits plus belles que les jours. G. Cavallucci — Bibliographie de Marceline Desbordes-Valmore 8