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Page:Cavendish - L’Art de dresser les chevaux, 1737.djvu/17

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EPISTRE DE L’AUTEUR A SES FILS.

glorieuſe, ni plus digne d’un homme ; ni aucun ſpectcle public qui delecte d’avantage le genre humain. Soit pour ſervir là Majeſté à cheval, lors qu’elle fait ſes entrées dans ſes grandes villes ; les beaux chevaux ornés de riches caparaſſons, de riches ſelles & houſſes, & de plumes ondoyantes, ſont une pompe digne d’étonner les ſpeſtateurs avec contentement & plaiſir. Il n’y a rien de ſemblable par païs, ou aux rencontres publiques, ſoit pour l’uſage, ſoit pour l’honneur. Devez vous combatre un Duel à cheval ? Vôtre honneur & vôtre vie tout enſemble dependent d’un bon cheval & d’un bon Cavalier, parce que le meilleur cheval du monde n’étant pas bien conduit, l’homme eſt perdu, & le meilleur Cavalier du monde ſur un méchant cheval, eſt auſſy en peril. De ſorte que vous ne devés pas ſeulement avoir de bons Chevaux, mais auſſy étre bons hommes de cheval ; car l’un ou l’autre deſaillant, l’homme ſe perd. Le plus vaillant homme qui ſoit ſur la terre n’étant pas homme de cheval, & ayant un méchant cheval, doit infailliblement perir contre un bon-homme de cheval & ſur un bon cheval ; parce qu’il ne ſert que d’enclume à éprouver deſſus l’épée de celuyci, ou comme d’une cotte de mailles à recevoir ſes eſtocades. Le courage d’un tel homme ne luy ſert de rien en une rencontre de cette nature, à cauſe qu’il ne ſauroit s’en ſervir. De ces deux maux, un bon-homme de cheval ſur un cheval mediocre vaut mieux qu’un méchant-homme de cheval ſur un bon cheval ; car un bon-homme de cheval paroît raiſonnablement bien ſur un cheval mediocre, au lieu qu’un méchant-homme de cheval ne ſauroit rien ſaire ſur un cheval dreſſe, quoy que bien dreſſé, parce que le moindre mouvement luy commande, & l’ignorance du Cavalier luy donne tant de contre-temps & de ſaux-mouvemens, qu’il le rend pire qu’un qui eſt plus-mal dreſſé. C’eſt pourquoy tant plus un cheval eſt bien dreſſé, tant plus eſt-il neceſſaire de le monter avec art & connoiſſance ; parce qu’il eſt ſenſible à tout mouvement. Quoy que je confeſſe qu’un bon cheval faſſe beaucoup, toute-ſois un bon-homme de cheval fait autant : de ſorte qu’un bon-homme de cheval, ſur un bon cheval, a de l’avantage aſiés. Et je ſouhaite que vous ſoyés tels, tant pour les duels à cheval, que pour la guerre. Combien