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Page:Caylus - Souvenirs et correspondance.djvu/127

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figure, son esprit et son caractère, il n’y avoit rien qu’on ne pût obtenir de lui ; il falloit seulement prendre garde à sa légèreté naturelle ; car il s’engouoit et se dégoûtoit facilement. Madame de Maintenon m’a dit que ses amis s’apercevoient même de la place qu’ils avoient dans son cœur par celle que leurs portraits occupoient dans sa chambre. Au commencement d’une connoissance et d’une idée d’amitié, il faisoit aussitôt peindre ceux qu’il croyoit aimer, les mettoit au chevet de son lit, et peu à peu ils cédoient leurs places à d’autres, reculoient jusqu’à la porte, gagnoient l’antichambre et puis le grenier, et enfin il n’en étoit plus question.

Madame de Richelieu continua, après son mariage, à ménager les foiblesses et à supporter les caprices de monsieur son mari ; elle le voyoit se ruiner à ses yeux par son jeu et sa dépense sans jamais en faire paroître un instant de mauvaise humeur. L’un et l’autre avoient du goût pour les gens d’esprit, et ils rassembloient chez eux, comme le maréchal d’Albret, ce qu’il y avoit de meilleur à Paris en hommes et en femmes, et c’étoit à peu près les mêmes gens, excepté que l’abbé Testu, intime ami de madame de Richelieu, dominoit à l’hôtel de Richelieu, et s’en croyoit le Voiture[1]. C’étoit un homme plein de son

  1. Voici le portrait que Saint-Simon a tracé de cet abbé « C’étoit un homme fort singulier, mêlé toute sa vie dans la meilleure compagnie de la ville et de la cour, et de fort bonne compagnie lui-même ; il ne bougeoit de l’hôtel d’Albret où il s’étoit intimement lié avec madame de Montespan, qu’il voyoit