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Page:Caylus - Souvenirs et correspondance.djvu/16

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même assez rarement. Dieu répandoit tant de grâces sur elle que cette femme si mondaine, si faite aussi pour les plaisirs et pour faire la joie du monde, ne regretta jamais, dans ce long espace, que de ne l’avoir pas quitté plus tôt, et ne s’ennuya jamais un moment dans une vie si dure, si amère, qui n’étoit qu’un enchaînement sans intervalle de prières et de pénitences.

« Un si heureux état fut troublé par l’ignorance et la folie du zèle de sa tante, pour se taire sur plus haut ; elle lui manda que le roi ni elle ne se pouvoient accommoder plus longtemps de la direction du P. de la Tour que c’étoit un janséniste qui la perdoit qu’il y avoit dans Paris d’autres personnes doctes et pieuses dont les sentimens n’étoient point suspects ; qu’on lui laissoit le choix de tous ceux-là ; que c’étoit pour son bien et pour son salut que cette complaisance étoit exigée d’elle ; que c’étoit une obéissance qu’elle ne pouvoit refuser au roi ; qu’elle étoit pauvre depuis la mort de son mari ; enfin, que si elle se conformoit de bonne grâce à cette volonté, sa pension de six mille livres seroit augmentée jusqu’à dix.

« Madame de Caylus eut grand’peine à se résoudre ; la crainte d’être tourmentée prit sur elle plus que les promesses ; elle quitta le P. de la Tour, prit un confesseur au gré de la cour, et, bientôt ne fut plus la même ; la prière l’ennuya, les bonnes œuvres la lassèrent, la solitude lui devint insupportable ; comme elle avoit conservé les mêmes agrémens dans