Page:Cellini, Oeuvres completes, trad leclanché, 1847.djvu/113

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Sainteté ajouta que la mort de tous les chefs entraînerait la désorganisation complète de l’armée, qui déjà était ébranlée, et enfin que Dieu peut-être aurait entendu nos prières et nous délivrerait ainsi de ces impies ribauds. Nous disposâmes donc nos pièces, suivant l’ordre de Santa-Croce. Nous attendions le signal, lorsque le cardinal Orsini, instruit de ce qui se passait, engagea une violente dispute avec le pape, déclara que, pour rien au monde, on ne devait agir ainsi, parce qu’on était sur le point d’entrer en accommodement ; que, si l’on tuait les chefs, l’armée n’étant plus retenue par aucun frein, forcerait le château et compléterait notre ruine. Il termina en disant que les cardinaux s’opposaient absolument à ce que l’on tirât. Le pauvre pape, désespéré, en se voyant entouré d’ennemis au dedans comme au dehors, consentit à laisser tout à leur discrétion. On nous transmit donc contre-ordre. Lorsque j’appris que l’on venait nous défendre de tirer, je ne pus me contenir, et je mis le feu à un demi-canon que j’avais sous la main. Le projectile alla frapper un pilastre de la cour de l’hôtellerie, près duquel je voyais un groupe de plusieurs personnes. Ce coup fit tant de mal aux ennemis qu’ils furent sur le point de déserter la maison. Le cardinal Orsini voulait me faire pendre ou massacrer ; mais le pape prit chaudement mon parti. Je sais quelles paroles ils échangèrent à ce sujet ; mais, comme je ne fais pas profession d’écrire l’histoire, je les passe sous silence pour ne parler que de ce qui me regarde.

Dès que j’eus fondu l’or, je le portai au pape, qui me remercia beaucoup, et chargea le Cavalierino de me remettre vingt-cinq écus en s’excusant de ne pouvoir me donner davantage. Peu de jours après, on signa l’accommodement.