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Page:Cerfberr - Contes japonais, 1893.pdf/93

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la forêt enchantée.

— Oui, oui, s’écria Hanko en s’emparant de la trouvaille. Elle devait me les rapporter, dit-il, en essuyant une larme hypocrite.

Et il soupesait le sac, si lourd qu’à peine il pouvait le porter d’une seule main. Il y avait là, en perles fines, de quoi faire figure dans le monde !

Dès le lendemain, Hanko déclara qu’il ne pouvait plus vivre dans cette contrée qui lui rappelait son malheur, et il partit pour Yokohama, la ville des étrangers.

Là, pendant deux ans, il put soutenir un train de vie assez flatteur pour son amour-propre, et il puisait sans compter dans le bienheureux sac, dont le précieux contenu passait peu à peu entre les mains des riches marchands de la ville. C’est qu’il avait son plan longuement mûri devant son petit trésor chaque jour diminué. Sa dernière fille, Yabura, était d’une éblouissante beauté, les soupirants tournaient souvent autour d’elle et de sa fortune supposée ; mais le père écartait impitoyablement les maris.

Cette fille, dans son esprit étroit, égoïste, perverti davantage encore par les compromis d’autrefois, cette fille était non aux autres, mais à lui, et il méditait d’en tirer parti comme de ses sœurs, non plus, cette fois, contraint et forcé, mais dans une occasion cherchée par lui.

Voilà où la cupidité avait poussé cet homme !

Son gendre n’était-il pas désigné ? Le dragon gardien de la forêt enchantée, et dont les richesses étaient si grandes, ne devait-il pas estimer à haut prix la beauté de Yabura ?

Il faut néanmoins rendre cette justice à Hanko, c’est que, tant que durèrent les perles, l’amour paternel l’empêcha d’aller proposer le honteux marché ; mais lorsqu’il vit les dernières au fond du sac, il ne put hésiter plus longtemps, et sans scrupules il prit le chemin de la forêt.

Ce qu’il craignait surtout, en entrant sous les arbres au mystérieux ombrage, c’était de tomber de nouveau entre les mains d’une