Page:Cervantes-Viardot-Rinconète et Cortadillo.djvu/42

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ouvrit pas moins au Repolido. Mais la Cariharta, voyant qu’on lui ouvrait, se leva bien vite, et se précipita dans la chambre aux boucliers. Fermant la porte sur elle, elle disait du dedans à grands cris : « Qu’on emmène cette mine refrognée, ce bourreau d’innocents, cet épouvantail de pigeons pattus. » Maniferro et Chiquinazque tenaient le Repolido, qui voulait à toute force entrer auprès de la Cariharta. Comme on ne le lâchait point, il disait du dehors : « Allons, que ce soit fini, ma dépitée ; par ta vie, calme-toi ; que ne puis-je te voir aussi bien mariée ! — Mariée, moi, malin ! répondit la Cariharta. Voyez un peu quelle corde il touche. Tu voudrais l’être avec moi, hein ? Eh bien ! je le serais plutôt avec un squelette de mort qu’avec toi. — Allons, niaise, répliqua le Repolido, finissons-en, car il est tard ; prends garde de devenir trop fière en me voyant parler si doux et venir si humble, car, vive Dieu ! si la colère me monte au clocher, pire sera la rechute que la chute ! humilie-toi, et humilions-nous tous, et ne donnons pas à dîner au diable. — Je lui donnerais même à souper, répondit la Cariharta, pour qu’il t’emporte où jamais mes yeux ne te revoient. — Ne l’avais-je pas dit ? reprit le Repolido. Par Dieu, je flaire et je me figure, madame Lit-de-Sangle, qu’il faut tout mettre au plus haut, dût-on ne rien vendre jamais. — Holà ! s’écria Monipodio ; en ma présence, les choses ne doivent pas aller si loin. La Cariharta sortira, non par menaces, mais par amour pour moi, et tout s’arrangera pour le mieux. Les querelles entre gens qui s’aiment bien sont des occasions de plus grand plaisir, quand on fait la paix. Allons, Juliana, ma fille, ma Cariharta,