Page:Cervantes-Viardot-Rinconète et Cortadillo.djvu/47

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pour s’échapper par une autre rue. Jamais coup d’arquebuse inattendu, ni coup de tonnerre soudain, n’épouvanta une troupe confiante de pigeons, comme cette nouvelle de l’arrivée de l’Alcalde épouvanta et mit en désordre toute cette vertueuse compagnie de braves gens. Les deux novices, Rinconète et Cortadillo, ne savaient que faire, et se tinrent tranquilles, en attendant de quelle façon finirait ce subit orage, lequel finit tout simplement par le retour de la sentinelle, qui vint dire que l’Alcalde avait passé tout du long de la rue, sans donner la moindre marque d’aucun mauvais soupçon.

Tandis que Monipodio recevait cette nouvelle, un jeune gentilhomme s’approcha de la porte, en habits du matin. Monipodio le fit aussitôt entrer avec lui, et envoya chercher Chiquiznaque, Maniferro et le Repolido, en faisant dire aux autres que personne ne descendît. Comme Rinconète et Cortadillo étaient restés dans la cour, ils purent entendre toute la conversation qu’eurent Monipodio et le gentilhomme nouveau venu. Celui-ci demanda à Monipodio pourquoi l’on avait si mal fait ce qu’il lui avait tant recommandé. « Je ne sais pas encore ce qui s’est fait, répondit Monipodio ; mais celui du métier qui a été chargé de l’affaire est justement ici : il rendra bon compte de lui-même. » Chiquiznaque descendit en ce moment, et Monipodio lui demanda s’il s’était acquitté de l’ouvrage qu’il lui avait commandé, la balafre à quatorze points[1]. « Laquelle ? répondit Chiquiznaque.

  1. Dans ce temps, où l’on recousait les lèvres d’une blessure, on en désignait l’étendue par le nombre de points.