Page:Chénier - Œuvres complètes, éd. Latouche, 1819.djvu/160

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ÉLÉGIES XXVIII.


NON, je ne l’aime plus ; un autre la possède.
On s’accoutume au mal que l’on voit sans remède.
De ses caprices vains je ne veux plus souffrir :
Mon élégie en pleurs ne sait plus l’attendrir.
Allez, m’uses, partez. Votre art m’est inutile ;
Que me font vos lauriers ? vous laissez fuir Camille.
Près d’elle je voulais vous avoir pour soutien,
Allez, musés, partez, si vous n’y pouvez rien.

Voilà donc comme on aime ! On vous tient, vous caresse ;
Sur les lèvres toujours on a quelque promesse :
Et puis… Ah ! laissez-moi, souvenirs ennemis,
Projets, attente, espoir, qu’elle m’avait permis.
Nous irons au hameau. Loin, bien loin dé la ville,
Ignorés et contens, un silence tranquille.
Ne montrera qu’au ciel notre asile écarté.
Là, son ame viendra m’aimer en liberté.
Fuyant d’un luxe vain l’entrave impérieuse,
Sans suite, sans témoins, seule et mystérieuse,
Jamais d’un œil mortel un regard indiscret
N’osera la connaître et savoir son secret.