Page:Chénier - Œuvres en prose éd. Moland, 1879.djvu/117

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multitude, de la flatter, de la caresser aux dépens de qui il appartiendra ; de remplir ses oreilles de leur nom, et de gagner ainsi un puissant, quoique peu durable avantage sur ces citoyens incorruptibles, qui, moins jaloux des applaudissements du peuple que de ceux de leur conscience, osent le braver pour lui être utile ; l’abandonnent dès qu’il abandonne la justice ; préfèrent sa reconnaissance à venir à sa faveur du moment, et savent enfin dédaigner la popularité pour mériter l’estime publique, quand la popularité, et l’estime publique ne sont pas la même chose.

Nous demeurerons bien convaincus dès -lors, qu’il n’est rien sur la terre de plus coupable que ces hommes qui fatiguent ainsi l’esprit public, qui le font flotter d’opinions vagues en opinions vagues ; d’excès en excès, sans lui donner le temps de s’affermir et de s’asseoir sur des principes stables et éternels ; qui usent et épuisent l’enthousiasme national contre des fantômes, au point qu’il n’aura peut-être plus de force s’il se présente un véritable combat : et que si nous sommes assez insensés pour nous livrer à leur conduite, nous courons l’infaillible danger de tomber dans une anarchie interminable, destructrice certaine de notre constitution naissante, de notre liberté, de notre patrie. Aussi, tous ceux qui, follement ou odieusement attachés à l’ancien régime, n’ont pas honte de le regretter ; tous ceux qui s’efforcent d’avilir l’Assemblée nationale, dont ils ont l’honneur d’être membres, par des oppositions déraisonnables soutenues de scandaleuses folies ; tous ceux, enfin, qui ne veulent ni liberté, ni constitution, ni patrie, ne fondent-ils plus aucun espoir que