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Page:Chénier - Œuvres en prose éd. Moland, 1879.djvu/124

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l’ouvrage de nos législateurs, sans aller grossir la foule de ces écrivains morts-nés que notre révolution a fait éclore. J’ai pensé depuis que le sacrifice de cet amour-propre pouvait être utile, et que chaque citoyen devait se regarder comme obligé à cette espèce de contribution patriotique de ses idées et de ses vues pour le bien commun. J’ai, de plus, goûté quelque joie à mériter l’estime des gens de bien, en m’offrant à la haine et aux injures de cet amas de brouillons corrupteurs que j’ai démasqués.

J’ai cru servir la liberté, en la vengeant de leurs louanges ; si, comme je l’espère encore, ils succombent sous le poids de la raison, il sera honorable d’avoir, ne fut-ce qu’un peu, contribué à leur chute ; s’ils triomphent, ce sont gens par qui il vaut mieux être pendu que regardé comme ami. Je n’ai pas eu la prétention de dire des choses bien neuves et d’ouvrir des routes profondes et inconnues ; et, tout en avouant qu’une pareille tâche eût été fort au- dessus de moi, je ne laisserai pas d’ajouter que rien n’eût été plus inutile. Heureusement, les principes fondamentaux du bonheur social sont aujourd’hui bien connus et familiers à tous les hommes de bien qui ont cultivé leur esprit ; il ne s’agit que de les propager, de les disséminer, de les faire germer dans cette classe très-nombreuse qui renferme quantité de citoyens vertueux et honnêtes, mais à qui la pauvreté et une vie toute employée aux travaux du corps, n’ont pas permis de perfectionner leur entendement par ces longues réflexions, par cet apprentissage de la raison, par cette éducation de l’esprit qui seule enseigne aux