Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 1.djvu/150

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Il visite souvent vos paisibles rivages.
Souvent j’écoute, et l’air qui gémit dans vos bois
À mon oreille au loin vient apporter sa voix.

MNAZILE.

Onde, mère des fleurs, naïade transparente
Qui pressez mollement cette enceinte odorante,
Amenez-y Chloé, l’amour de mes regards.
Vos bords m’offrent souvent ses vestiges épars.
Souvent ma bouche vient sous vos sombres allées,
Baiser l’herbe et les fleurs que ses pas ont foulées.

CHLOÉ.

Oh ! s’il pouvait savoir quel amoureux ennui
Me rend cher ce bocage où je rêve de lui !
Peut-être je devais d’un souris favorable
L’inviter, l’engager à me trouver aimable.

MNAZILE.

Si pour m’encourager quelque dieu bienfaiteur
Lui disait que son nom fait palpiter mon cœur !
J’aurais dû l’inviter, d’une voix douce et tendre,
À se laisser aimer, à m’aimer, à m’entendre.

CHLOÉ.

Ah ! je l’ai vu ; c’est lui. Dieux ! je vais lui parler !
Ô ma bouche ! ô mes yeux ! gardez de vous troubler.

MNAZILE.

Le feuillage a frémi. Quelque robe légère…
C’est elle ! ô mes regards ! ayez soin de vous taire.

CHLOÉ.

Quoi ! Mnazile est ici ? Seule, errante, mes pas
Cherchaient ici le frais et ne t’y croyaient pas.