Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 2.djvu/150

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ÉPISODES


Un héros qui a souffert des injustices s’éloigne comme Coriolan et cache partout son nom comme Ulysse. Qu’il s’appelle Alphonse, par exemple. Il trouve un vieillard comme Philoctète qui lui demande des nouvelles de l’armée, et celui-ci… et celui-là… et ce vieillard…


Il invoque la mort, il a pleuré son fils.


Ô dieux ! réplique le vieillard, c’était mon plus ancien ami. Nous avions ensemble étudié… et ce jeune héros… cet Alphonse… Alphonse ? — Il a vécu.

Puis il finit par aller chercher un asile chez un prince américain à qui il a fait tout le mal possible. Il entre non à la manière des suppliants… mais le prince hospitalier, qui est alors dans un festin, s’approche de lui… « Étranger, viens t’asseoir à ma table… Tous les humains rencontrerontchez moi l’hospitalité… Il n’en est qu’un seul qui y trouvera le châtiment de ses barbaries… Plût aux dieux que la tempête le jetât ici !… C’est ce dur Espagnol, c’est ce cruel Alphonse… » L’étranger l’interrompt… « Je suis Alphonse… C’est moi qui t’ai fait tant de mal et qui viens t’aider à le réparer. »


Un Inca, racontant la conquête du Mexique par les Espagnols, que le peuple prenait pour des dieux, s’exprime ainsi :

 
Pour moi, je les crois fils de ces dieux malfaisants
Pour qui nos maux, nos pleurs, sont le plus doux encens,
Loin d’être dieux eux-même ils sont tels que nous sommes,
Vieux, malades, mortels. Mais, s’ils étaient des hommes,
Quel germe dans leur cœur peut avoir enfanté
Un tel excès de rage et de férocité ?