Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 2.djvu/285

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ÉPODE PREMIÈRE



       Vain espoir ! inutile soin !
Ramper est des humains l’ambition commune ;
       C’est leur plaisir, c’est leur besoin.
Voir, fatigue leurs yeux ; juger, les importune ;
       Ils laissent juger la fortune,
Qui fait juste celui qu’elle fait tout-puissant.
Ce n’est point la vertu, c’est la seule victoire
       Qui donne et l’honneur et la gloire :
Teint du sang des vaincus tout glaive est innocent.


STROPHE DEUXIÈME


       Que tant d’opprimés expirants
Aillent aux cieux réveiller le supplice ;
       Que sur ces monstres dévorants
       Son bras d’airain s’appesantisse ;
Qu’ils tombent ; à l’instant vois-tu leurs noms flétris,
Par leur peuple vénal leurs cadavres meurtris,
Et pour jamais transmise à la publique ivresse
       Ta louange avec leur bassesse ?
Mais si Mars est pour eux, leurs vertus, leurs bienfaits
       Sont bénis de la terre entière.
Tout s’obscurcit auprès de la splendeur guerrière ;
Elle éblouit les yeux, et sur les noirs forfaits
       Étend un voile de lumière.