une et telle enfin qu’elle était née dans mon esprit, sans que l’engoûment ou l’envie l’aient fait pencher d’aucun côté, ou aient altéré mon jugement. J’ai tâché de conserver un œil sain et incorruptible, afin qu’étudiant chaque chose en elle-même et dans tous ses rapports extérieurs, et aussi dans tous les rapports extérieurs qui l’attachent à d’autres choses, je pusse en prendre et en donner une idée vraie et fidèle. J’ai même, précaution à laquelle je n’étais point obligé, j’ai chassé de mon cœur tous les mouvements de colère et d’aversion qu’éprouve un honnête homme à la vue ou à la lecture des excès et des injustices sans nombre de plusieurs Corps et de plusieurs particuliers. J’ai eu soin que ce sentiment, subit et involontaire, n’influât en rien sur mon style, et ne perçât point dans mon expression, ne voulant écrire seulement que ce qui est arrivé, et comment cela est arrivé. Je ne me suis point fait le ministre des haines ni des intérêts de personne ; je n’ai point eu d’égard aux prétentions iniques, aux usurpations, aux préjugés qui flétrissent ce qui ne doit point être flétri. Sans intérêt moi-même, nulle passion, nul amour propre n’a pu me fasciner la vue. Galba, Othon, Vitellius, ne me sont connus ni par bienfait ni par injure[1].
Je désire que tous ceux qui liront ce livre et tous ceux qui le jugeront sans le lire, sachent aussi bien se dépouiller d’eux-mêmes, c’est-à-dire de leurs projets,
- ↑ Citation de Tacite, liv. I : Mihi Galba, Otho, Vitellius nec beneficio nec injuria cogniti. »