Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 2.djvu/349

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de fête on me mena monter une montagne. Il y avait beaucoup de peuple en dévotion. Dans la montagne, à côté du chemin à droite, il y avait une fontaine dans une espèce de voûte creusée dans le roc ; l’eau en était superbe et fraîche, et il y avait sous la petite voûte une ou deux madones. Autant que je puis croire, c’était près d’une ville nommée Limoux, au bas Languedoc. Après avoir marché longtemps, nous arrivâmes à une église bien fraîche, et dans laquelle je me souviens bien qu’il y avait un grand puits. Je ne m’informerai à personne de ce lieu-là, car j’aurai un grand plaisir à le retrouver, lorsque mes voyages me ramèneront dans ce pays. Si jamais j’ai, dans un pays qui me plaise, un asile à ma fantaisie, je veux y arranger, s’il est possible, une fontaine de la même manière, avec une statue aux nymphes, et imiter ces inscriptions antiques : De Fontibus sacris, etc.


XXVI[1]


Je me souviens, qu’étant à Montigny[2] à l’âge de quatorze ou quinze ans, la veille de notre départ, je trouvai sous ma main les Lettres persanes. Je me mets à lire. À la fin de la première lettre, arrivant à cette phrase : sois sûr qu’en quelque lieu du monde où je sois, tu as un ami fidèle, j’en fus ému et frappé

  1. Publié par M. Gabriel de Chénier, 1874.
  2. Montigny, magnifique terre de la famille Trudaine, qui dépendait de la commune de Valence-en-Brie, arrondissement de Melun, canton du Châtelet, département de Seine-et-Marne.