Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 2.djvu/350

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fortement, et j’aurais donné tout au monde pour avoir un ami Rustan dont il fallût me séparer, afin de la lui répéter. Il y avait là un bon et honnête curé qui me voulait beaucoup de bien, mais qui sûrement n’avait jamais trouvé sous sa main les Lettres persanes ; au moment que je montais en voiture, il arrive pour m’embrasser et me souhaiter bon voyage. Je me retourne, je l’embrasse, et, lui serrant la main, je lui récite d’un ton sublime et pathétique la phrase de Montesquieu, et je pars.


XXVII[1]

NOTE ÉCRITE SUR LE MALHERBE


J’ai prêté, il y quelques mois, ce livre à un homme qui l’avait vu sur ma table et me l’avait demandé instamment. Il vient de me le rendre (en 1781) en me faisant mille excuses. Je suis certain qu’il ne l’a pas lu. Le seul usage qu’il en ait fait a été d’y renverser son écritoire, peut-être pour me montrer que lui aussi il sait commenter et couvrir les marges d’encre. Que le bon Dieu lui pardonne, et lui ôte à jamais l’envie de me demander des livres.

  1. Publié par M. Gabriel de Chénier, 1874. André Chénier avait annoté un exemplaire des poésies de Malherbe publiées par Barbou en 1776, petit in-8o. Un importun lui emprunta ce volume et le lui rendit taché d’encre. À l’endroit où le livre était taché, André Chénier mit la note ci-dessus.

    Le commentaire d’André Chénier sur les poésies de Malherbe a été plusieurs fois publié avec ces poésies.