Page:Chézy - La Reconnaissance de Sacountala.djvu/13

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

INTRODUCTION.


Jamais je n’oublierai l’impression ravissante que fit sur moi la lecture du drame de Sacountalâ, lorsque, il y a environ trente ans, la traduction anglaise de ce chef-d’œuvre, par le célèbre W. Jones, vint par hasard à tomber sous mes yeux. Mais, pensai-je alors, tant de délicatesse, tant de grâces, cette peinture si attachante de mœurs qui nous donnent l’idée du peuple le plus poli et le plus spirituel de la terre, et nous inspirent l’envie d’aller chercher le bonheur près de lui ; tout cela, pensai-je, est-il bien dans l’original indien, ou ne serait-ce point une pure illusion due au style gracieux, à l’imagination brillante du traducteur ?

Que faire pour éclaircir ce doute ? Il ne se présentait qu’un seul moyen, celui d’apprendre la langue sanscrite, langue la plus admirable en effet, mais aussi la plus difficile de toutes les langues connues, et pour l’étude de laquelle il n’avait encore été publié, à cette époque, aucun ouvrage élémentaire. La Bibliothèque du Roi possédait bien à la vérité un essai informe de grammaire, un manuscrit composé, à ce que je crois, par quelque missionnaire portugais, mais ne renfermant que le simple paradigme du verbe substantif, le tableau des déclinaisons, une partie du vocabulaire d’Amara, et une liste des dhâtous ; le tout fourmillant d’erreurs les plus grossières, et beaucoup plus propre à effrayer qu’à inspirer l’envie de déchiffrer cet hor-