Page:Chair molle.djvu/208

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songeant que tous ces types, qui l’avaient roulée, étaient bêtes comme leurs savates, tous plus ou moins rincés par d’autres femmes, des habiles. Oh ! mais elle était bien changée ; elle allait leur en faire voir à ces hommes. Ils pourraient claquer de misère s’il leur plaisait, elle ne se retournerait seulement pas. Ils l’avaient dupée et quand la déveine était venue, nul ne s’était occupé d’elle : elle allait s’occuper d’eux, elle, et ce serait drôle.

En effet, Lucie s’acharnait à cette haine. Elle se faisait payer à l’avance, très cher ; tout supplément d’amour devait être rémunéré en surplus. Même, elle les volait. Il lui venait un frais rire à la remembrance du départ quotidien de ses michés, très penauds, sans un sou. Elle s’estimait devenue sérieuse, une vraie femme ; elle savait enfin raisonner et on ne la reprendrait plus à changer d’avis continuellement, sans motif, comme autrefois.

Cependant, au plus fort de ces résolutions, souvent elle s’attendrissait en songeant à Léon, son seul amour vrai ; elle se surprenait à regretter ce premier amant : en somme, c’était encore le meilleur de tous. Celui-là l’aimait pour elle-même, et puis si gentil, si doux. Une fierté la possédait d’avoir été séduite par un homme aussi aimable. Elle se représentait Léon idéalement