Page:Chair molle.djvu/23

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saient les sièges, s’attachaient au tapis de la table et chargeaient l’abat-jour de la lampe. Cela donnait à la pièce un cachet purement féminin que Lucie ne se rappelait avoir vu nulle part ailleurs. Et, en un moment, tous les garnis visités par elle, défilèrent en sa mémoire, parés de leurs mobiliers banaux, de leurs secrétaires servant à enfermer des litres de liqueur ; garnis d’officiers, aux corniches d’alcôves décorées de sabres en croix ; garnis d’employés, aux guéridons couverts de paperasses calligraphiées ; garnis de filles, aux commodes supportant des statuettes de plâtre rose ; et, parmi ces derniers, celui de Marthe, une ancienne amie, la hanta surtout. Y avait-elle passé des après-midi, autour de la table ronde, devant les verres pleins de café ! Il se narrait des tromperies, de bons tours joués aux amants. Là, elle avait appris les prétendues farces de Léon, son premier amour. De stupides cancans, des calomnies sans doute ! Les autres femmes enviaient leur bonheur, et, pour le détruire, elles n’avaient négligé aucun moyen. Elle, idiote, sans comprendre ce manège, avait suivi leurs conseils, succombé bêtement avec l’intime de Léon, un soir que cet homme lui contait des histoires érotiques.

Un de ces récits, dont elle avait gardé la souvenance, la ramena à penser aux pratiques de la volupté. Elle regarda le lit. Que de vilaines